Dessin illustrant un article dans le journal Américain The Chicago Times-Herald, édition du 12 avril 1897. |
Ce billet est la résultante de discussions sur le forum UFO-Scepticisme, privées ou publiques, et qu'il se propose de résumer, en y ajoutant des éléments personnels. En ce sens, même si ce résumé n'engage que moi, il n'aurait pas été rendu possible sans les réflexions et les trouvailles de certains membres du forum, principalement Dominique Caudron et "Nablator" et qui leur reviennent donc.
Introduction :
La première et sans doute la plus célèbre des grandes vagues d'observations dites d'airships a eu lieu en 1896-1897. Le terme airship signifie en Français dirigeable, et le terme vague d'airships sert à désigner ces observations d'engins volants qui étaient témoignés comme ayant la forme de dirigeables ou encore de ballons.
La problématique pour le chercheur est ici la suivante : il existe des témoignages d'observations de tels engins à une époque où, jusqu'à preuve historiographique du contraire, de telles réalisations manufacturées ayant volé de façon concomitante en temps et lieu de ces évènement sont inconnues de l'Histoire de l'aéronautique. En d'autres termes, il n'existe aucune preuve historique de la réalisation et du vol d'engins contemporains pouvant correspondre à ce qui est allégué comme ayant été observé. Le matériel historiographique relatant de telles observations en 1896/97 est celui des journaux et gazettes de l'époque.
A ce titre, un premier rapprochement "sautant aux yeux" pour l'UFO-sceptique peut-être fait avec la vague d'OVNI de 1947 : on s'aperçoit ici encore que c'est la presse qui enregistre ces témoignages à cette époque, et ce sur des centaines d'articles.
La Vague et la Problématique : Un Défi pour le Chercheur.
Même s'il on lit ici ou là qu'il y aurait eu des observations antérieures ponctuelles, l'observation princeps qui déclencha la vague et le premier "gros" article consacré, est celle du 17 novembre 1896, aux alentours de 18 heures ou de 19 heures. Une lumière aurait survolé la ville de Sacramento en Californie, des centaines (soi-disant) de personnes l'auraient observée et la forme serait celle d'un dirigeable, ou encore "en forme d'oeuf" ou "de cigare" ("egg-shaped"; "cigar-shaped"). Le détail majeur, récurrent et important pour la suite semble être celui de la présence d'un projecteur.
La seconde observation "majeure", princeps et importante pour la vague est celle d'Oakland, toujours en Californie et cette fois-ci trois jours plus tard, le 20 novembre 1896. Là encore, il est question d'un dirigeable et de projecteurs (à l'avant, mais aussi sur le "ventre" du potentiel dirigeable). Un autre cigare aurait été vu deux jours plus tard, le 22 novembre et là encore à Oakland. Une fois la nouvelle véhiculée par la Presse, c'est dans une vingtaine d’États que seront témoignées des centaines d'observations, toujours dans les journaux donc.
Or, ce n'est qu'en 1897 et en Europe que les premiers dirigeables ont tenté ou ont réussi à voler dans l'histoire de l'aéronautique (domaine largement sourcé et étudié). Le consensus "encyclopédique" reste que l'Autrichien David Schwartz serait le premier à avoir fait voler un dirigeable le 3 novembre 1897 (même si le vol se solda par un crash). A noter que selon cette source, son dirigeable était prêt dès septembre 1896, et un essai était prévu le 27. Or, suite à l'impossibilité de l’Empereur d'Autriche à venir pour la démonstration, l'essai fut annulé. Mais, le 8 octobre 1896, le dirigeable avait été "dressé" en extérieur et maintenu par des câbles et un test sans public était prévu. La qualité de l'hydrogène n'était pas satisfaisante, cependant. Mais, quoique maintenu à l'aide de câbles, il aurait été possible de manœuvrer l'engin, sa machinerie ayant été mise en marche. Dans un article de journal d'Ozbor, on trouve :
Yesterday, on Thursday, October 8th 1896, Schwarz's airship managed to lift only a few metres above the ground, while the soldiers were holding it with ropes. It is said that the gas used in the airship was bad, and thus the airship could not perform as expected. It was decided that the airship would be filled once again with good gas and tested.
Essai de vol du dirigeable de Schwartz, le 3 Novembre 1897, à prise à Tempelhof (Allemagne). |
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Si nous étions en mesure de lancer des pistes "prometteuses" et de trouver de quoi probablement expliquer conventionnement ces deux observations princeps de Sacramento et d'Oackland, il serait hautement plus probable que les suivantes découleraient de stimuli de même(s) nature(s), ou encore comme étant le produit d'une contagion psychosociale ou de masse (+ d'autres variables que nous pourrions ajouter alors).
On parle plutôt de mass delusion en Anglais - et non de contagion psychosociale - suite et notamment aux travaux du sociologue australien Robert E. Bartholomew et du professeur (Emeritus) américain Erich Goode.
Quelques cas où la contagion psychosociale s'appliquerait sont présentés dans un article en ligne du Skeptical Enquirer de 2000 sur le site du Commitee for Skeptical Inquiry, article proposant une bibiographie non-exhaustive. On peut encore écouter le sociologue Bartholomew à propos des contagions psychosociales en audio et en ligne. A noter que le terme hystérie collective ou de masse et celui de contagion psychosociale/délire de masse (mass delusion) doivent être bien discriminés l'un de l'autre, si vous lisez l'article du Skeptical Enquirer -. En effet, et pour faire court, l'hystérie (collective ou de masse) implique des symptômes physiques, psychosomatiques ou physiologiques - par exemple des vomissements - et elle se produit dans des espaces relativement confinés et au sein de groupes dits restreints en sciences sociales - par exemple dans des cliniques/hôpitaux, au sein de l'école, comme dans une classe - etc. Ce que la contagion psychosociale n'implique pas forcément.
Bartholomew a écrit différents ouvrages comme Panic Attacks, the History of Mass Delusion, Outbreak!: The Encyclopedia of Extraordinary Social Behavior, Little Green Men, Meoving Nuns and Head-hunting Panics: a Study of Mass Psychogenic Illness and Social Delusion pour ceux d'entre vous qui désireraient aller plus loin sur ce concept des sciences sociales de contagion psychosociale.
On parle plutôt de mass delusion en Anglais - et non de contagion psychosociale - suite et notamment aux travaux du sociologue australien Robert E. Bartholomew et du professeur (Emeritus) américain Erich Goode.
Quelques cas où la contagion psychosociale s'appliquerait sont présentés dans un article en ligne du Skeptical Enquirer de 2000 sur le site du Commitee for Skeptical Inquiry, article proposant une bibiographie non-exhaustive. On peut encore écouter le sociologue Bartholomew à propos des contagions psychosociales en audio et en ligne. A noter que le terme hystérie collective ou de masse et celui de contagion psychosociale/délire de masse (mass delusion) doivent être bien discriminés l'un de l'autre, si vous lisez l'article du Skeptical Enquirer -. En effet, et pour faire court, l'hystérie (collective ou de masse) implique des symptômes physiques, psychosomatiques ou physiologiques - par exemple des vomissements - et elle se produit dans des espaces relativement confinés et au sein de groupes dits restreints en sciences sociales - par exemple dans des cliniques/hôpitaux, au sein de l'école, comme dans une classe - etc. Ce que la contagion psychosociale n'implique pas forcément.
Bartholomew a écrit différents ouvrages comme Panic Attacks, the History of Mass Delusion, Outbreak!: The Encyclopedia of Extraordinary Social Behavior, Little Green Men, Meoving Nuns and Head-hunting Panics: a Study of Mass Psychogenic Illness and Social Delusion pour ceux d'entre vous qui désireraient aller plus loin sur ce concept des sciences sociales de contagion psychosociale.
Robert E. Bartholomew lui-même et Stephen Whalen ont d'ailleurs écrit un court article consacré aux "mystérieux" dirigeables, mais concernant plus spécifiquement la vague de 1909, que je vous propose de lire, intitulé The Great New England Airship Hoax of 1909 .
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La Thèse des Ufologues" pro-visitations extra-terrestres et autres Défenseurs de Phénomènes "Fortéens" : quelques Remarques critiques.
Étant donné le caractère "anachronique" ou "avant l'heure" des engins allégués - des dirigeables -, la vague d'observations a presque naturellement été un objet d'étude pour ceux des investigateurs défendant des hypothèses "extraordinaires", comme la visite d'engins extraterrestres, de visiteurs multi-dimensionnels, celle de voyageurs du temps, du fruit d'une intelligence ou d'un agent externe manipulateur, etc.
Notons tout d'abord que l'hypothèse extraterrestre a été évoquée dans de très rares articles de journaux d'époque. Certaines ont été recensées dans au moins trois ouvrages (merci à "Nablator" pour ces références) pour montrer cela.
Dans l'ouvrage de Gregory L. Reece (2007), UFO Religion - Inside Flying Saucer Cults and Culture (p.10-11), il est cité l'édition du 19 novembre 1896 (2 jours après l'observation princeps de Sacramento) du Stockton Evening Mail (Californie à nouveau), que Reece tire lui-même du livre de Daniel Cohen, The Great Airship Mystery: A UFO of the 1890s (1981) et de Wallace O. Chariton, The Great Texas Airship Mystery (1991). Dans l'édition, il est rapporté qu'un Colonel, H. G. Shaw, raconte avoir vu un engin au sol, avec trois petits occupants qui tentèrent d'emmener de force le Colonel avec eux, mais échouèrent car ils n'étaient pas assez forts. L'engin décolla ensuite après que ses occupants aient couru à son bord. Shaw aurait exprimé son opinion que, pour lui, les êtres venaient de Mars.
Le même ouvrage rapporte un article du 10 avril 1897 du St. Louis Post-Dispatch à propos d'une autre rencontre rapprochée, cette fois-ci avec des êtres parfaitement humains, un homme et une très belle femme, nus tous les deux, selon le témoin, W. H. Hopkins. Lequel aurait tenté un contact à l'aide de gestes et de signes et, suite à ses efforts, un des occupants prononça quelque chose qui ressemblait au mot "Mars" (cet exemple, cité par Reece - 2007 - est tiré de Cohen -1981 - pp.59–60). Il existe d'autres exemples, où, dès 1896, l'hypothèse extraterrestre était évoquée dans les journaux et gazettes.
Des thèses "extraordinaires" à propos de la vague d'airships de 1896-1897 ne manquent pas en ufologie. Dans l'Hexagone, un des défenseurs de celles-ci est Jean Sider, par exemple dans cet article en ligne, que je vous propose donc à la lecture, et intitulé L'airship de 1897.
Aussi, d'autres hypothèses "plus complexes" ont été proposées : un texte de l'ufologue Suisse Fabrice Bonvin en résume la teneur et mérite le détour pour au moins saisir le type d'hypothèse "fortéenne" défendue. "Plus complexe", écrivais-je, en ce sens que vous pouvez y lire que ce genre de thèse fait appel au mimétisme et à l'élusivité de visiteurs ou d'entités externes. Pour résumer cette approche, on peut dire sans trahir l'auteur, je crois, qu'il est proche de concepts proposés par Jacques Vallée ou encore John Keel : on attribue ici l'origine de ces vagues ou de certains phénomènes "anomalistiques" à une intelligence omnisciente ayant un caractère manipulateur ou trompeur. Cette intelligence pourrait être également un moyen utilisé par Gaïa ou d'une autre entité "like" afin de susciter un changement au sein de notre espèce intelligente en vue d'un objectif de nature écologique, visant principalement à la conservation de la vie. Séduisant !
Aussi, d'autres hypothèses "plus complexes" ont été proposées : un texte de l'ufologue Suisse Fabrice Bonvin en résume la teneur et mérite le détour pour au moins saisir le type d'hypothèse "fortéenne" défendue. "Plus complexe", écrivais-je, en ce sens que vous pouvez y lire que ce genre de thèse fait appel au mimétisme et à l'élusivité de visiteurs ou d'entités externes. Pour résumer cette approche, on peut dire sans trahir l'auteur, je crois, qu'il est proche de concepts proposés par Jacques Vallée ou encore John Keel : on attribue ici l'origine de ces vagues ou de certains phénomènes "anomalistiques" à une intelligence omnisciente ayant un caractère manipulateur ou trompeur. Cette intelligence pourrait être également un moyen utilisé par Gaïa ou d'une autre entité "like" afin de susciter un changement au sein de notre espèce intelligente en vue d'un objectif de nature écologique, visant principalement à la conservation de la vie. Séduisant !
Parmi les éléments avancés pour exclure toute explication conventionnelle et/ou de nature sociopsychologique ou culturelle à propos de la vague d'Airships de 1896-1897, on peut citer d'abord l'argument d'un réseau de communication insuffisant et d'une alphabétisation trop faible à l'époque pour permettre une contagion psychosociale par la presse et les autres réseaux. Ainsi et à ce titre, l'auteur du second article écrit :
La pénétration insuffisante du réseau de communication et le faible taux d’alphabétisation de 1897 excluent une propagation partagée de la représentation consciente du dirigeable fantôme au sein d’une population essentiellement rural.
Dominique Caudron, par exemple, ne considère pas cet argument comme valide, ni historique, et il oppose à cela au moins trois points particulièrement pertinents. Le premier est que, quelle que soit la publication, ceux qui, eux, savaient lire, faisaient la lecture à ceux qui ne savaient pas. Le second, découlant du premier, serait que quand bien même 10 % de la population savait lire, il n'y a jamais que quelques dizaines de témoignages à la fois, voire moins, et ceux qui connaissent la rumeur dans les journaux, peuvent la répéter oralement, se faisant alors acteurs et véhicules de la contagion.
A propos de l'argument des moyens réduits de communication, Dominique Caudron objecte, éléments à l'appui, que les journaux disposaient à l'époque du télégraphe (c'est l'ère des chemins de fer et du télégraphe - depuis plus d'un demi-siècle -). Le téléphone est inventé depuis une vingtaine d'années. Justement et historiographiquement, parmi les éléments appuyant sa réflexion, remarque-t-il, l'un des premiers articles d'une des observations princeps de la vague que nous avons mentionnées, celle d'Oakland, en témoigne. En effet, le San Francisco Call du 22 novembre 1896 (p.13) permet de bien mesurer, et pour un seul exemple, la communication de cette époque (l'article est reproduit plus loin) : on y apprend que certains témoins ont téléphoné au journal...
Un autre argument proposé pour montrer que la vague d'airships résisterait à toute possibilité ou explication sociopsychologique est la suivante. Citons à nouveau Fabrice Bonvin :
Pour rendre compte de l’apparence des dirigeables fantômes, certains chercheurs ont avancé des concepts empruntés à la psychologie. Ainsi, les témoins auraient observé des stimuli visuels inexpliqués que leur cerveau n’aurait pas réussi à traiter convenablement. Sujets à une « insuffisance cognitive », il auraient alors projeté sur ces stimuli inconnus leurs représentations conscientes et inconscientes. Ce serait la « transformation projective », qui expliquerait la forme prise par ces « dirigeables ». Cette tentative, comme je l’ai démontré dans mon ouvrage OVNIS : Les Agents du Changement, ne résiste pas à l’analyse. D’abord, parce que le concept d’ « insuffisance cognitive » est loin d’avoir été prouvé.
Je me suis déjà exprimé à ce propos dans un billet précèdent. A suivre l'auteur (même si je n'ai pas lu le livre en question), tout le pan de la psychologie cognitive
(psychologie de la perception) initié par Ramskov, Neiser, Gibson, etc, à
propos des processus dirigés par les concepts (concept driven processing) ou les
problématiques de désambiguïsation cognitive n'existent pas. Pourtant,
des résultats sont clairement montrés expérimentalement à ce sujet :
"si un stimulus est présenté rapidement, fugacement, s'il est ambigu,
incertain ou encore flou, voire nouveau, la
perception devient "top-down" (dirigées par les concepts)". De plus, il existe des cas nombreux dans la casuistique ufologique, où un
stimulus prosaïque a été "soucoupisé". Comme souvent en ufologie, on fait souvent comme si ceux-ci ne nous apportaient rien. Or, ils
démontrent clairement que l'on peut "projeter" consciemment
ou inconsciemment des concepts sur un stimulus que l'on a pas
réussi à identifier sur le moment. A nouveau, par exemple et seulement, et concernant l'ufologie, il suffit de lire les descriptions, les récits et
témoignages de ré-entrées atmosphériques, par exemple pour Zond IV le 3 mars 1968 : par exemple, sur un échantillon de trente rapports, 12 décrivent un objet en forme de cigare, de fusée ou de "soucoupe", 3 rapportent des fenêtres ou hublots. Ou encore un témoin déclare : s'il y avait eu quelqu'un dans l'OVNI près des fenêtes/hublots, je l'aurais vu ; ou encore, un autre, il apparaissait comme ayant plutôt des fenêtres/hublots carré(e)s tout le long qui faisait face à nous.. Il apparaissait pour moi que le fuselage était construit de plusieurs feuilles plates ... qui semblaient rivetées les unes aux autres... Les nombreuses «fenêtres» semblaient être illuminées de l'intérieur. Egalement encore chez un autre témoin, [Il pourrait être comparé à une] soucoupe inversée ordinaire sans protrusion sur le dessus ; chez un autre observateur, Ils volaient en formation militaire parfaite ; Voici pour quelques exemples de transformations et d'élaborations projectives à partir d'un stimulus prosaïque rare - la ré-entrée de Zond IV. Voir également notre billet précèdent consacré au cas de Yukon (1996).
Comment cet ufologue rend-t-il compte des cas de
méprises avec "soucoupisation" de stimuli prosaïques, mais non-identifiés, qui fourmillent pourtant dans la casuistique, si de tels processus cognitifs d'élaboration ou de
transformation projectives n'existent pas selon lui ? Je serais bien
curieux de le savoir...
Au contraire en effet, il est démontré clairement en
psychologie cognitive que nos intérêts, nos dispositions et attitudes
ont un effet direct sur notre perception : une large part de ce qui est perçu est en fait principalement déduit. Nous tendons à voir (ou à entendre) ce que nous nous attendons à voir (ou à entendre).
Elizabeth Loftus montre également - en s’appuyant sur un large corpus expérimental - qu'il existe quatre types d'attentes influant la perception (voir le billet précèdent). Au total, dire, finalement, que des élaborations ou des transformations projectives - les processus top-down - n'existent pas ou ne sont pas prouvées expérimentalement en psychologie cognitive, pendant la perception ou après (par exemple pendant la remémoration), est fallacieux.
Elizabeth Loftus montre également - en s’appuyant sur un large corpus expérimental - qu'il existe quatre types d'attentes influant la perception (voir le billet précèdent). Au total, dire, finalement, que des élaborations ou des transformations projectives - les processus top-down - n'existent pas ou ne sont pas prouvées expérimentalement en psychologie cognitive, pendant la perception ou après (par exemple pendant la remémoration), est fallacieux.
Quelques exemples de récits d'OVNI tirés de Paolo Toselli, L'examen des cas d'objets volants identifiés (OVI) : le facteur humain, dans OVNI : vers une anthropologie d'un mythe contemporain (ouvrage dirigé par mon ami Thierry Pinvidic). Notons qu'un prochain billet sera consacré à illustrer les processus cognitifs qui peuvent rendre compte de ce qui est mis en œuvre par les témoins d'un stimulus qu'ils n'identifient pas, processus expliquant pourquoi certains stimuli conventionnels sont alors "soucoupisés" (de façon légitime) et ce grâce aux enseignements des recherches en psychologie cognitive expérimentale.
J'ai vu une lumière très brillante... A une altitude de 1000 à 1500 mètres, je ne puis préciser car il faisait nuit. C'était une grande lumière, un peu plus petite que la Lune, mais argentée, avec d'étranges faisceaux... Elle me laissa une impression... Que je ne puis décrire. Ce n'était pas de la peur, au contraire, je pensais... je pense qu'il s'agissait d'un objet... Je l'ai observé durant environ 15 minutes... C'était immobile... à 17h45, j'ai levé la tête et je l'ai vu. A 18 heures, il n'était plus là. Il faisait sombre et nuageux.
Viguzzolo, Allessandria, Italie, 16/12/1978).
L'objet s'était légèrement déplacé, il apparaissait plus gros que la pleine Lune et occupait un quart de la fenêtre. Maintenant, il semblait se diriger vers elle (le témoin), et s'assombrissait pour devenir orangé. Elle observa l'objet pendant bien plus d'une heure avant qu'il paraisse s'éloigner. A ce stade, elle déclare avoir vu la silhouette de deux ombres sur le côté de l'objet. Ils étaient comme des soldats de plomb et se déplaçaient devant l'objet. Ils disparurent de la vue du témoin et l'objet continua de s'éloigner.
(Flying Saucer Review , 23, n°1 p.9) observation du 31/12/1976.
La soucoupe nous a suivis pendant dix kilomètres. Elle volait en rase-mottes à environ 150 mètres de nous et sa lueur se reflétait dans les glaces de ma voiture, à tel point que M.D. ouvrit la portière pour mieux se rendre compte... Après Rumpéré, la boule écarlate se dirigea sur le hameau de Septenville... A ce moment là, nous avons eu l'impression que "la soucoupe" piquait vers nous et j'ai eu très peur. Je continuais à rouler dans un état de surexcitation indescriptible... A la sortie de Pierregot, je me suis arrêtée... La "soucoupe", qui avait contourné le village, nous attendait et faisait du sur-place, puis elle s'éloigna comme je redémarrais. Elle se mit à tourner en spirale pendant trois ou quatre cents mètres et le "champignon" changea de forme pour prendre celle d'un croissant allongé jusqu'à Rainneville... A ce moment, la "soucoupe" accentua sa giration, puis elle s'éloigna en direction de l'ouest d'Amiens pour se perdre dans l'infini en l'espace de quelques secondes à une vitesse incomparable...
(Dominique Caudron Requiem pour un zig-zag, Recherches Ufologiques, Bulletin de GNEOVNI, n°6, juillet-décembre 1978). Observation datée du 3 octobre 1954, d'Herissart à Amiens (Somme), France.Pour ses trois cas de "soucoupes volantes", la Lune était le stimulus.
Nous avons également indiqué, dans un billet précèdent, les protocoles expérimentaux et directement liés à l'ufologie par le sociologue et géographe Edgar Wunder montrant de tels processus à l’œuvre. Très récemment, un pilote émérite de l'USAF, Steve Lunquist, a livré son témoignage d'un vol où il avait pris un stimulus céleste -Vénus- pour "un engin" défiant les technologie aéronautiques modernes.
Enfin, ajoutons que Paolo Toselli, dans le chapitre et l'ouvrage précédemment cités, ainsi que Ronald Westrum dans un chapitre titré justement Le facteur humain dans les observations d'OVNI (même ouvrage) ont listé et se sont largement appuyés sur nombre de concepts et de recherches en psychologie cognitive pour tenter d'expliquer ce qui se produit en terme de processus cognitifs à propos de stimuli prosaïques que des témoins "soucoupisent", coupant court l'argument de l'ufologue Suisse.
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Les explications de la vague d'airships de 1896/1897 recourent à des explications et des causes extraordinaires, se prêtant peu ou pas à la vérification. Dans la seconde partie, nous verrons si des explications conventionnelles et triviales (vérifiables ou carrément vérifiées, elles) peuvent ou non expliquer la vague. Elles seront de deux types :
- La première concernera des prototypes de dirigeables et des inventions de l'époque, telles que défendues dans certains ouvrages, qui rendraient compte des observations. Nous verrons que cette hypothèse explicative, même si elle fait appel à des stimuli conventionnels (des dirigeables réels) résiste peu à l'analyse critique.
- La seconde visera une approche sociopsychologique et culturelle. Dans un premier temps, nous verrons s'il n'existait pas, et cela de façon concomitante en temps (peu avant la vague) et en lieu (la Californie, où a démarré la vague), des éléments culturels (une imagerie de dirigeables ayant les mêmes caractéristiques que celles des dirigeables qui seront témoignés ensuite et cette imagerie véhiculée par la presse). Cette ambiance culturelle, étayée par des documents historiographiques et factuels donc, aurait alors créé une attente et des observateurs "plein d'espoir". De là, certains objets prosaïques que nous serions capables d'identifier, en lieu - la Californie - où cette imagerie précèdent la vague était vraisemblablement la plus forte ou tout simplement présente - ceci devant être démontrer par des éléments historiographiques - et justement où la vague a démarré, auraient été pris pour ces dirigeables que la culture ambiante véhiculait déjà et que des observateurs étaient en droit et en attente, légitimement donc, de les voir voler.
S'il se vérifiait pour les observations princeps de Sacramento (17 novembre 1896) et d'Oakland (20 novembre 1896) qu'une culture ambiante pré-vague en temps et lieu existait, que nous identifions des stimuli prosaïque en temps et lieu qui auraient été pris pour ces dirigeables, et dans la mesure où ces observations ont été médiatisées, nous aurions des éléments pour qu'une contagion psychosociale (mass delusion) "démarrât". Aussi parce que d'autres variables et facteurs se sur-ajouteraient alors, et seraient en interaction les uns avec les autres (médiatisation donc, journaux en demande de témoignages provoquant ou incitant à des observations, enrichissant à leur tour les journaux ; encourageant des canulars ; de faux témoignages, et d'autres variables et facteurs plus fins, etc.).
Nous aurions alors une piste de réflexion solide pouvant expliquer la vague et serions en mesure de réduire la vague à des causes multiples, mais conventionnelles (un réductionnisme composite donc). Et ce, sans recourir à des hypothèses et entités "extraordinaires".
Enfin, en suivant et en se conformant ainsi au principe d'économie des hypothèses, à la parcimonie, en recourant donc à des processus et des stimuli ordinaires, cette piste et hypothèse s'avèrerait alors la plus solide et la plus valide, en comparaison aux hypothèses "extraordinaires" concurrentes.
(A suivre)
Gilles Fernandez, Copyright december 2012.